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un atelier de design transversal

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integral designers ∫ définit et développe un design polymorphe et contextuel pour chacun de ses projets. Notre processus créatif s’exprime grâce à une culture transversale où s’accordent le signe et le volume, le graphisme et la scénographie, le parcours et le système d’orientation. Et si le détail constitue le fondement de notre exigence, c’est bien avec générosité et sensibilité que nous structurons notre démarche.

Créé en 1989 par Ruedi Baur, integral designers (anciennement integral ruedi baur paris) est reconnu pour ses créations de design graphique notamment ses programmes de signalétique et d’identité visuelle pour des institutions culturelles et politiques. À partir des années 1990, l’atelier s’engage dans une activité de design pluridisciplinaire et développe de nombreux projets dans le domaine du graphisme d’exposition et de la scénographie, des programmes d’architectures complexes. Son travail de précurseur sur l’interaction entre le signe et l’espace lui a permis de revisiter en profondeur le domaine de la signalétique et de devenir un acteur majeur du design contemporain.

Aujourd’hui, Ruedi Baur, tout en restant un partenaire privilégié, transmet la direction d'integral designers à deux collaborateurs de longue date que sont David Thoumazeau et Benjamin Ribeau. Héritiers d'une perception singulière et du savoir-faire développés par l’atelier, ils portent l'ambition de poursuivre une démarche transversale de création afin de toujours mieux appréhender la complexité du réel et d’accompagner avec force et conviction les enjeux graphiques, spatiaux et urbains contemporains.

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Depuis sa création en 1989, Integral concept fut pensé comme une structure transdisciplinaire réunissant des penseurs et des créateurs qui abordaient le design comme un facteur de transformation de la société. Plusieurs structures portant parfois le nom Integral agissaient ainsi en divers lieux et activités. Sans liens économiques et de manière souvent discrête ces acteurs ne cessèrent durant plusieurs décennies de travailler, expérimenter, enseigner, chercher, publier ensemble.

En 2020, durant la crise de la Covid, le besoin de relier des activités professionnelles pour mieux encore aborder les problématiques complexes de notre société en mutation comme ceux de notre planète anthropocène se fit urgemment resentir. De nouveaux partenaires ont rejoint le réseau. Integral design network constitue donc aujourd'hui un réseau de spécialistes indépendants, susceptibles d’aborder conjointement des projets pluridisciplinaires tout en ayant chacun l'autonomie de leur propre structure de production.

En ce site seront présentés les acteurs, leurs approches et un certain nombre de réalisations exemplaires travaillées à plusieurs mains.

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Biographie  > Cette partie de la biographie présente les activités qui ont précédées la création des ateliers „Intégral concept“ et „Integral ruedi baur“ en 1989 : La formation à Zurich, puis les premières réalisations graphiques dans les domaines culturels, premiers catalogues, premiers enseignements, premières expositions, la Galerie Projets à Villeurbanne, l’atelier BBV (Lyon, Milan, Zurich), les premiers collaborateurs: Seraina Feuerstein sa première femme, Catherine Baur sa soeur, Alban Seeger et déjà Denis Coueignoux et Chantal Grossen qui suivront une grande part de l’histoire de Integral. >

Ruedi Baur est né à Paris le 5 mars 1956 de parents suisses. (Élevé à Paris, puis en Savoie, en trois langues: le romanche, le suisse allemand et le français. Apprend l'allemand, l'anglais, au lycée puis l'italien. Ce plurilinguisme lui tient à cœur). Il passe son enfance à Chambéry, où il obtient son baccalauréat en 1975. Puis, entre 1975 et 79, il suit une formation en design graphique chez Michael Baviera et à l'École des Arts appliqués de Zurich (Schule für Gestaltung).

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Il obtient son diplôme de graphiste en 1979. (Rencontre grâce à Michael Baviera durant cette période zurichoise des personnalités du monde du design et de l'art concrêt comme Joseph Müller Brockmann, Richard Paul Lohse, Max Bill,…) (> Exposition > Participe à l'organisation de l'exposition sur le graphisme d'utilité publique dans le cadre du congrès de l'Icograda de Zurich, 1978. Sous la direction de Michael Baviera, organise la documentation des projets des graphistes français. Il rencontre à cette occasion Marcel Jacno, Jean Widmer, Adrian Frutiger, les membres du collectif Grapus et Roger Excoffon...). Durant ces années d'étude, il collabore à divers projets, avec le futur graphiste et éditeur Lars Müller. ( › Bibliographie > Lars Müller publiera les principaux ouvrages présentant ses projets de design, mais également ses recherches. La collection intitulée design2context et Civic city, que Ruedi Baur dirige avec Vera Baur, présente tout particulièrement un choix de recherches liées au design). Ils créent ensemble, en 1978, un premier atelier de graphisme. Après leur diplôme chacun reprendra son propre chemin tout en gardant des liens durables.

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Gagne en 1979, avec Lars Müller, le concours d'affiche pour "l'Année internationale de l'enfance" avec un projet revendicatif : "notre année". De 1979 à 1980, il travaille chez le graphiste et signaléticien Théo Ballmer (Bâle), où il complète sa formation dans le domaine des systèmes d'identification et d'orientation complexes. (Participe chez Théo Ballmer aux projets de signalétique de l'exposition de paysages: Grün 8o, de la signalétique piétonne de la ville de Bâle, de celle de l'aéroport de Marseille, du Campus universitaire et de la technopole de Sophia Antipolis).
En 1980, il crée l'atelier Plus-design à Zurich en collaboration avec la graphiste et artiste Sereina Feuerstein, sa première femme. Débute une activité de designer graphique entre la France et la Suisse. ( Durant le début de ces années 1980, développe avec Seraina Feuerstein de petits projets d'identification visuelle et de signalétique, des affiches et des catalogues ).

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Premier d'une longue série de catalogues et de livres: Ferdinand Hodler et les affiches d'artistes suisse, 1890-1920.
1981, débute une collaboration avec Françoise Guichon du Musée Savoisien de Chambéry, avec Claire Gibault de l'orchestre de Chambéry et de la Savoie, puis en 1983 avec le Musée d'Art Moderne de Grenoble.

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À partir de 1981, élabore durant plusieurs années les affiches programme de l’Orchestre de Chambéry et de la Savoie selon un même principe.

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À partir de 1982, conçoit différentes affiches pour le Musée Savoisien de Chambéry.

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1982, conception du catalogue: François Morellet, Désintégration architecturale, Musée Savoisien de Chambéry. (Ce catalogue raisonné sur les installations urbaines de François Morellet fut élaboré avec l’artiste. Grace à ce projet, Ruedi Baur fut repéré par les conservateurs du Musée d’Art Moderne de Grenoble: Christine Breton, Thierry Raspail, Marie Claude Baud, avec qui il travaillera durant les années 80. La collaboration avec François Morellet se poursuivra notamment avec le catalogue du Centre Pompidou. Mais cette confrontation à la question urbaine lui permettra aussi d’accompagner, dès 1983, la rénovation des bâtiments de la Cassine, en proposant un projet de coloration, pour l’Office HLM de Chambéry). 1983, Christine Breton, conservateur au Musée d’Art Moderne de Grenoble, lui passe commande d’un catalogue pour une exposition urbaine. (La collaboration avec Christine Breton n’a jamais cessé depuis. Elle devient membre du réseau Intégral)

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1983. Conception du catalogue: Berriat 83, Musée d’Art Moderne de Grenoble. (Le catalogue fit scandale. Sa forme de rouleau reprenant celle des cheminées industrielles du quartier de Berriat ne fut du goût des élus de la ville. De nombreux conservateurs se solidarisèrent avec Christine Breton ainsi attaquée). Dès ce début des années 80, Ruedi Baur participe comme membre de jury à nombreux jurys de graphisme notamment de l’organisation professionnelle des graphistes Suisses: ASG dont il est membre. Son activité se  répartit à l’époque principalement entre Zurich et la Région Rhône-Alpes. 

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1983, il fonde la Revue Projets. Plusieurs numéros seront consacrés aux méthodes de conception du design. ( Cette revue envoyée gratuitement à 50 destinataires choisis, montre déjà la sensibilité de Ruedi Baur pour une approche transdisciplinaire du design, comme sa proximité avec le monde de l’art et de l’architecture.) Fin 1983, il ouvre un atelier à Lyon pour rejoindre Thierry Raspail, qui vient d’être chargé du développement d’une politique de l’Art contemporain pour cette ville. Il fonde la même année avec Michael Baviera et Peter Vetter les ateliers BBV (Baur, Baviera, Vetter) situés à Lyon, Milan et Zurich. (Thierry Raspail, conservateur des Musées d’Art Contemporain de Lyon et Marie-Claude Jeune chargée de l’Espace lyonnais d’Art Contemporain (Elac) lui confient la mise en place d’une cohésion graphique pour les diverses activités liées à la politique municipale d’art contemporain. Entre 1984 et 1989, conception de l’ensemble des supports graphiques liés à Art contemporain Lyon et notamment les catalogues de l’Espace lyonnais d’Art contemporain, du Musée Saint-Pierre Art contemporain, qui préfigure le Musée d’Art Contemporain, la manifestation annuelle Octobre des Arts qui se transformera en 1987 en Biennale d’Art Contemporain de Lyon).

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Basé uniquement sur de la typographie, un nouveau style graphique fut introduit dès le début de l’année 1984 pour l’Espace Lyonnais d’Art Contemporain. Affiches, cartons d’invitation et catalogues se succédèrent. (Mais l’atelier se préparait surtout à la grande manifestation qui devait se tenir au mois d’octobre. Il s’agissait selon la volonté d’André Mure, l’élu à la culture et de Thierry Raspail, le conservateur, de placer Lyon parmi les villes à visiter pour ses expositions et collections d’art contemporain. L’ouverture du Musée St Pierre Art Contemporain, à l’été 1984, constituait le premier acte de cette politique. Un simple carton noir à dévisser symbolisait une volonté de radicalité dans l’approche graphique). Mais cette volonté forte de la ville de soutenir l’art contemporain ne devint réellement perceptible qu’à l’ouverture d’Octobre-des-arts-1984. 

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La série de onze catalogues d’expositions, de hauteur identique et de largeur différente, accompagnés du programme de la manifestation rassemblés en une grosse boite noire. La couverture du plus large et du plus étroit. (En 1984, toujours diverses institutions culturelles de la Région Rhône-Alpes commence à s’adresser à lui. Ainsi plusieurs expériences graphiques originales purent se développer, avec une facilité, il faut le dire, incomparable à notre époque si frileuse.)

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Affiches pour une exposition d’art contemporain: Retour à la figuration imprimées en sérigraphie sur différentes tapisseries. 

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C’est en 1984, également, que fut créé le signe très simple qui identifia durant des décennies les couvertures de “la revue des revue”. Une affiche pour l’une de leur manifestation. Puis une affiche sur une exposition d’affiches de musée créé entre 1980 et 84 au Chateau de Grignon. (Elle montre bien la position minimale alors revendiquée.) 1985, l’atelier alors déjà constitué de plusieurs collaborateurs dont Catherine Baur, sa soeur, déménage de Lyon à Villeurbanne dans un loft rue des Charmettes. Ruedi Baur créé alors dans son appartement-atelier la Galerie Projets qui, jusqu’en 1988, organisera une importante série d’expositions de design souvent accompagnées de catalogues: « Made in Switzerland » présentant différents graphistes suisses (1985), « A.G. Fronzoni » une des rares monographies du célèbre designer radical italien (1986), « AGI Italie » une grande exposition à Chambéry des graphistes italiens membres de l’association des graphistes italiens (1986). Les concepts visuels du célèbre concours de graphisme « Kieler Woche » (1986), puis « Michael Baviera » (1987), « Le design anglais : avec Ross Lovegrove and Peter Brown, Peter Saville, Malcolm Garret, Peter Keene» (1987), « Couleurs seules » une exposition sur la couleur dans le design, « Deutsch Design » rassemblant en une même exposition Dieter Rams, Anton Stankowski et Otl Aicher.  

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Que ce soit dans le choix des créateurs exposés, dans la scénographie des expositions ou dans le design des supports d’information, devient lisible cette première fascination pour une poètique de la radicalité visuelle. Mais au-delà de cette dimension, Ruedi Baur cherchait par cet exercice difficile de monstration de définir sa propre attitude de designer. Un texte élaboré pour son habilitation (finalement abandonnée) montre ce que cette activité parallèle lui a apporté (> L’exposition de design et le design d’exposition )

L’exposition de design et le design d’exposition

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Ce chapitre débute par les prémices de mon activité de recherche. Celle-ci n’était d’ailleurs, à l’époque pas encore perçue comme telle, mais plutôt comme un nécessaire prolongement de ma formation. Le seul apprentissage par le faire et le discours sur celui-ci ne parvenaient à me contenter. Très rapidement, peut-être déjà durant mes études, je ressentis le besoin de créer une synergie ou une tension entre ce que nous intitulerons, d’une part, la production créative du design et, d’autre part, la réflexion plus générale sur les conditions de sa mise en œuvre. Si la première comporte une part importante d’expérimentation, voire d’innovation, il serait faux de considérer que cette création génère automatiquement un savoir qui dépasserait le traitement du cas particulier. Au contraire, la compréhension du fonctionnement de l’activité sous-jacente au projet, celle de la commande comme celle de la culture du design, permet d’avoir prise sur les méthodologies structurant l’expérimentation et donc également sur cette attitude créative produisant cette typologie particulière de projets intitulée design. La perception de la fécondité de cette synergie ou de cet écart, comme l’intitulerait François Julien (1), remonte à ce moment où la conception d’expositions du travail d’autres designers fut utilisée pour mieux analyser les attitudes sous-jacentes aux résultats présentés.
Dès 1983, c’est-à-dire quatre ans après mon diplôme de graphiste, j’avais ressenti le besoin de concevoir une revue traitant de la création appliquée et intitulée de la date des parutions des différents numéros. Diffusée gratuitement à cinquante puis à cent exemplaires, ceci durant trois ans ; cette modeste et encore bien maladroite édition, ne regroupait pas plus de cinq parutions successives (ill.1). La revue avait pour objectif d’ouvrir un débat sur le design et la création. Elle se présentait sous la forme de petits textes-manifeste, de témoignages et d’interventions plastiques et désirait se confronter à la conception en décloisonnant autant que possible les disciplines conventionnelles de création. Artistes, designers, architectes, urbanistes surtout de la région lyonnaise y trouvèrent leur place. C’est le projet, donc l’action de concevoir, comme la réflexion sur cette action qui rassemblait ces auteurs. Le cinquième numéro intitulé « 3.06.85 ou projets » constitua une sorte de tournant. Il prit la forme des futurs catalogues de la Galerie Projets. On y trouve plusieurs photos de l’espace encore vide (ill.2). 
Installé depuis quelques années dans la région lyonnaise, je pus profiter de la location d’un atelier surdimensionné par rapport à nos besoins pour mettre en place l’étape suivante, celle d’une politique de monstration des projets de design. Il ne s’agissait aucunement par ce faire de développer une activité commerciale, ni de présenter notre propre production encore émergente, mais plutôt celle de designers emblématiques nous permettant ainsi de poursuivre notre réflexion sur cette attitude de création que nous modelions progressivement. Mais s’ouvrait à travers la conception de ces expositions une autre réflexion : celle liée aux conditions de présentation comme de publication de ces projets de design dont le dessein n’était ni l’exposition ni la reproduction dans des catalogues. 

1.1 La Galerie Projets :
Huit expositions se sont succédées dans cet espace de travail et de monstration situé à Villeurbanne et intitulé Galerie Projets. Généralement, durant le temps des présentations, l’atelier se repliait dans mon lieu de vie adjacent aux locaux professionnels, puis reprenait ses largeurs une fois l’exposition terminée. Chaque exposition possédait sa propre mise en scène, bien que les conditions économiques obligeaient généralement d’aller au plus simple. Si le sujet direct ou indirect relevait de la monstration de projets de créateurs, c’était surtout l’attitude de création de ses auteurs qui se voyait interrogée. Ces expositions me permirent de rencontrer un certain nombre de créateurs de renom dont la fascination remontait à mes études. En me plaçant en dialogue avec ces personnalités du design, en étudiant non seulement leurs projets, mais également leurs méthodes de travail et leurs attitudes de création, j’ouvris un débat public sur l’importance de la commande et de la réalisation d’un design qualitatif. Mais cette confrontation critique aux acteurs qui m’intéressaient avait également pour objet de me bâtir progressivement les outils d’une réflexion sur ma propre production et mon attitude de création. En ces années dominées par un post-modernisme poussant à des propositions purement formelles, je souhaitais comprendre comment faire sens. Je me référais autant à mes grands frères confrontés à cette époque plus politique des années 1960 et 1970, qu’à cette génération plus ancienne marquée par la guerre, le post-fascisme, mais également la décolonisation.
Par le rapprochement, par exemple, de trois figures emblématiques du design allemand de cet après-guerre (2), je cherchais à la fois à montrer l’exigence commune, la dimension humaniste qui les reliaient, mais également trois approches différentes du design qui semblaient faire modèle (ill. 3). Anton Stankowski, proche de la peinture concrète zurichoise, ville où il put se réfugier durant la guerre, assume la synergie entre l’art géométrique abstrait et sa production graphique. Il conserve, par ce fait une certaine distance par rapport au design, qu’il explique principalement à travers des enjeux symboliques. De son côté Dieter Rams, le designer industriel qui avait succédé dans les années 60 à Hans Gugelot à la tête du département design de la mythique entreprise Braun, tout aussi minimaliste qu’Anton Stankowski, revendiquait, par contre, le fait que la forme avait à résulter de la fonction de l’objet (3). Conçu de cette manière, l’objet prenait une forme universelle échappant aux valeurs symboliques. Dans cette utopie de l’objet parfait, issue de la Gute Form (4), il se confrontait à la médiocrité de l’approche marketing qui s’était progressivement introduite dans l’entreprise lors de son rachat par le groupe Gillette. Cette frustration n’avait pour effet que de radicaliser encore son approche fonctionnaliste. Pour éviter la dialectique simplificatrice entre ces deux approches, il fallut rajouter une troisième position. Otl Aicher revendiquait tout autant les formes minimales, mais son attitude reposait sur un engagement politique et social en faveur de la démocratie allemande. Celui-ci remontait à la lutte contre le nazisme pendant la Deuxième Guerre mondiale (5) et se poursuivit par sa position radicale à la fin des années 40 durant lesquelles il revendiquait la « Stunde null » (6) comme dans les décennies suivantes durant lesquelles il créa et dirigea la célèbre Hochschule für Gestaltung d’Ulm (1953-68). Malgré une approche plus anthropologique et une réflexion très pertinente sur le rôle sociétal du design, Otl Aicher s’était, avec l’âge, comme ses deux condisciples, enfermé dans une rigueur formelle qui se trouvait en contradiction avec cette quête humaniste et ce rejet de la forme pour la forme. 
Le rapprochement de ces trois designers, dont le style pouvait paraître proche, permettait, au-delà de ces questions formelles, de développer une analyse comparative de trois attitudes de création finalement très distinctes. Les trois designers avaient d’ailleurs, pour la première fois, accepté de se regrouper en une même exposition parce la modestie de celle-ci et son éloignement de leur champ habituel de dispute, permettaient ce compromis. 
Une autre exposition consacrée au design italien devait faire directement écho à ce rapprochement de personnalités allemandes. Depuis mes études, plusieurs personnalités du design italien n’avaient cessé de m’impressionner (7). Il ne s’agissait pas tant des Alessandro Mendini (8), Ettore Sottsass (9), Memphis ou Alchimia, qui se trouvaient pourtant en haut de l’affiche en ces années 1980 et que je voyais déjà récupérés par l’esprit marketing de l’époque. Je souhaitais plutôt regrouper, en une même exposition, des architectes et designers plus radicaux qui développaient une approche moins consensuelle, plus politique et citoyenne de la création. Devaient être présentés des projets expérimentaux - de Ugo la Pietra qui écrivait dans les années 70 des articles d’une grande limpidité sur le design confronté à l’espace public dans la revue Domus, - des frères Castiglioni avec la créativité ludique de leurs objets extrêmement simples parfois presque pop, - d’Enzo Mari pour la sobriété de ses projets et pour ses positions en matière de responsabilité sociale du design, - de Bruno Munari pour la dimension pédagogique de ses expériences graphiques, - enfin d’A.G. Fronzoni qui cultivait une subtile, mais radicale poétique à la fois minimaliste et fonctionnaliste. Malgré plusieurs rencontres à Milan, je ne parvins pas à mettre sur pied cette exposition trop ambitieuse pour notre modeste Galerie. 
Finalement, c’est donc la monographie d’A.G. Fronzoni (ill. 4) qui permit de poursuivre cette réflexion sur les diverses attitudes liées aux expressions minimales. Je dirais que, par rapport à nos trois créateurs allemands, le milanais apportait plusieurs composantes nouvelles qui me paraissaient essentielles. Tout d’abord, il revendiquait cette transdisciplinarité et cette capacité d’aborder la complexité suggérée par des termes comme « progettazione » (10) « immagine coordinata » (11) ou encore le fameux « concetto spaziale » de Lucio Fontana (12). Le « progettatore » Fronzoni démontrait sa capacité de répondre à tous types de projets. Il passait avec la même radicalité du graphisme, à l’architecture, au mobilier et même à la conception de vêtements. Chaque projet relevait d’une sorte de manifeste à la fois fonctionnel et poétique dans lequel la retenue émanait d’une position à la fois écologique et civique. J’étais impressionné également de son engagement comme enseignant. Ayant organisé une école à même son studio, il explicitait avec une extrême patience chacune de ces actions au groupe d’étudiants l’accompagnant en permanence. 
Dans l’introduction du catalogue paru parallèlement à l’exposition, j’insistais sur cette approche créative : « aller à l’essentiel, supprimer tout effet superflu, toute fioriture inutile, produire un concept sur des bases mathématiques, autour d’une idée principale, d’une structure simple, éviter avec acharnement gaspillage et redondance, maîtriser le geste comme l’idée)… ( créer l’objet en rapport à l’environnement comme symbole social, faire intervenir les notions de déplacement et de temps… ». Je ne décrivais pas les projets présentés, mais bien l’attitude qui permettait de les générer. 
La recherche sous-jacente à ce travail de monstration relevait bien de la compréhension de ce lien entre attitude de création et production visuelle en résultant. Dans le choix de « vieux maîtres », si l’on peut les intituler ainsi, m’intéressait également la notion d’évolution ou de carrière. Mais plus précisément la résistance à l’air du temps que je retrouvais chez certains d’entre eux, alors que d’autres s’y soumettaient. Cette dimension m’importait, car déjà je ressentais un léger décalage entre la pensée dominante et la manière dont j’envisageais mon rôle de designer. Il me fallait comprendre comment conserver le cap malgré les vents contraires ou comment expliciter une attitude qui génère des formes éventuellement décalées par rapport aux attentes. Mettre en valeur les éléments sous-jacents au processus de conception pour que celui-ci puisse s’autonomiser par rapport aux choix superficiels. 
Les huit expositions conçues dans le cadre de la Galerie Projets (ill.5) m’ont permis, comme très jeune designer, d’approcher et d’échanger avec ces créateurs de renom. Elles ont contribué à ouvrir un débat public sur le rôle et les intérêts d’une exigence en matière de design. Par une étude comparative transversale de la plupart des créateurs présentés fut analysé le lien direct entre l’attitude et la proposition qui, malgré les contraintes contextuelles de la commande, en découle. Mais ce qu’il m’importait de montrer, c’était l’autonomie relative de la forme par rapport à ces attitudes. Si des formes similaires et d’un un même style peuvent résulter d’attitudes radicalement contraires, chaque attitude possède sa propre relation à la forme, parfois très autoritaire, parfois plus ouverte. Par exemple, une approche contextuelle peut laisser la forme s’adapter à la situation, alors que d’autres attitudes comme celle d’Otl Aicher auront prédéfini la forme. Se pose alors la question de la reproduction de celle-ci dans des champs culturels différents. Ce type d’universalisme revendiqué par certains designers, dit humanistes, ne relevait-il pas finalement d’une sorte de colonialisme de l’esprit ? Et le design ne devenait-il pas finalement un instrument pour maintenir une domination de l’esprit par un occident dominateur ? 
Dans le cas d’approches plus ouvertes, celles qui façonnent le projet au-delà de la question de la forme, la question se pose de notre capacité de perception de l’attitude sous-jacente au projet. Ressentons-nous, par exemple, la médisance induite par certaines approches marketing ? ou au contraire le respect présent dans des projets générés dans cet esprit ? Voire, plus précisément, ressentons-nous la différence entre une approche occidentale de l’universalisme au comparé d’une autre reposant sur le contexte ? 
Cette sensibilité critique commençait à émerger de ce travail de monstration. En balayant ainsi un certain nombre de places fortes de la création européenne, je parvenais également à comparer l’esprit qui régnait sur ces lieux où se concentrait la création européenne. Qu’est-ce qui différait entre Milan, Londres, Zurich et les villes fédérales d’une Allemagne dont la capitale était encore Bonn ? Ces lieux étaient-ils soumis à la concurrence entre créateurs ou existait-il une solidarité entre eux ?   
Si, comme nous l’avons vu, les expositions reposaient principalement sur la présentation de projets exemplaires, celle-ci se rattachait à une analyse critique à la fois de ces réalisations, mais également des processus de conception, d’usage et finalement de transformation en déchet du projet. Parallèlement, se développait durant ce processus une réflexion sur leur mode de présentation dans la Galerie. Ainsi se posait donc la question de l’exposition de projets dont le dessein premier n’était pas celui d’être présenté dans un « White Cube » (13), ni d’être reproduit dans un catalogue. Comment assumer cette extraction de leur contexte d’usage et leur transfert dans ce nouveau système de valeur ? Qu’est-ce que dans ce cas une exposition de design ? Peut-on lire correctement le projet dans cet espace décontextualisé ? Que faut-il exposer et comment ? La confrontation à ces questions de monstration débuta à la Galerie Projets, et se poursuivra dans l’espace consacré aux expositions de l’institution publique « Design à la Maison du Livre, de l’Image et du Son à Villeurbanne » (14) dont je partageais la direction artistique avec Blandine Bardonnet. La taille, mais également l’officialité de ce lieu public, son emplacement au centre d’une médiathèque municipale prestigieuse, faisait évoluer le statut des expositions. Bien que l’on n’entrait pas encore dans la catégorie des lieux de conservation du patrimoine culturel, l’effet « White Cube » s’accentuait encore en ce lieu. 

(1) « L’écart est une figure, non pas de rangement, mais de dérangement faisant paraître, de ce fait, non pas une identité, mais ce que je nommerai une fécondité. » In FRANÇOIS, JULLIEN. L’écart et l’entre. Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité. Paris : Galilée, 2012, p.....
(2) Deutsch Design, Otl Aicher, Dieter Rams, Anton Stankowski, Galerie Projets, 1990. 
(3) Form follows function la forme suit la fonction : un slogan maintes fois proclamé et débattu dans les congrès de design et d’architecture. Le texte d’origine de Louis Sullivan remonte à 1895, il est publié à nouveau en 2011 aux éditions Fac-similé.
(4) Gute Form, la forme idéale : le terme a marqué le design des années 50 et symbolise la durabilité d’objets se voulant fonctionnels, retenus et pourtant esthétiques. Sicht der Dinge - Die gute Form : Eine Ausstellung 1949, Max Bill, Édition Lars Müller, 2014.
(5) Marié à la sœur de la résistante allemande Sophie Scholl, il participa au mouvement Nul Stunde qui revendiquait un redémarrage à zéro de la culture allemande après le désastre du fascisme. Dès les années 1950, Otl Aicher fonda l’école d’Ulm avec Max Bill. Il fut directeur artistique des Jeux olympiques de Munich, 1969. 
(6) Stunde Null, 
(7) Plus généralement, j’étais fasciné par l’atmosphère créative de la ville de Milan, au point de désirer poursuivre mes études dans cette ville. J’étais inscrit en 1983 au Politechnico de Milan, auprès de l’Urbaniste Alessandro Ubertazzi. Certaines opportunités me permirent de commencer plus rapidement que prévu mon atelier. Le temps me manqua donc pour poursuivre ces études. Je garderai pourtant longtemps un étroit contact avec ce brillant théoricien maîtrisant parfaitement le français. Il participa à plusieurs workshops dans le cadre de mon enseignement lyonnais à l’École Nationale des Beaux-Arts. 
(8) Alessandro Mendini : 
(9) Ettore Sottsass :
(10) La traduction de ces termes en français reste maladroite. Si le verbe projeter correspond au progettare italien, le fait de projeter (la progettazione), tout comme le progettatore, ne possède pas vraiment d’équivalent dans la langue française. On traduira par « conception » un terme trop absolu relevant du génie ou des dieux et qui ne suggère pas la notion essentielle d’anticipation, liée à celle de la responsabilité du créateur. Projeter, c’est penser à l’avance les effets d’une proposition et en prendre la responsabilité.
(11) J’ai développé la signification de cette notion dans ma thèse sur l’identification. Coordonner des apparitions visuelles semble dépasser le simple répétitif suggéré par exemple dans la marque ou le branding. 
(12) Le « concept spatial » terme rarement traduit, titre de nombreux tableaux taillés au scalpel du peintre conceptuel Lucio Fontana. 
(13) « Cet espace sans ombre, blanc, propre, artificiel, dédié à la technologie de l’esthétique », Inside the White Cube, The ideology of the Gallery Space, Brian O’doherty, Expanded Edition Paperback, 2000 et White Cube, L’espace de la galerie et son idéologie, Brian O’doherty, JRP Ringier, 2008. 
(14) La Maison du Livre de l’Image et du Son de Villeurbanne décida de mener une politique d’exposition de Design à partir de 1990 et sous l’impulsion de Jean-Paul Bret, l’élu à la culture de Charles Hernu alors Maire de Villeurbanne qui venait régulièrement voir les expositions à la Galerie Projets. Blandine Bardonnet fut nommée directrice de ce département. J’avais pour ma part un rôle de conseil auprès d’elle. Ainsi avons-nous conçu ensemble une part importante des expositions.

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Parrallèlement à cette activité de monstration de design, Ruedi Baur coopère durant ces années 1985-88 avec de nombreux artistes comme aussi des responsables d’institutions culturelles. L’atelier BBV signe surtout des catalogues, des affiches d’expositions, mais aussi des logotypes et parfois des systèmes de coordination des expressions visuelles, plus banalement intitulées identités visuelles. Depuis 1984, plusieurs  collaborations se développent avec Pippo Lionni. Ruedi Baur fondera avec lui, en 1989, l’atelier Intégral concept. En 1986 viendra se joindre à l’équipe de BBV encore modeste, Denis Coueignoux qui reste, aujourd’hui encore, l’un des principaux collaborateurs de Ruedi Baur. Chantal Grossen, autre pillier de l’équipe, suivra quelques mois après. De nombreux livres, catalogues, affiches d’exposition furent conçus durant ces années:

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(Très sobres, sans encore la pollution visuelle des logotypes, sans non plus un grand soucis de l’efficacité, souvent en fond noir; les affiches de ce temps qualifiait une manifestation, informaient, sans pour autant chercher à promouvoir. La justice par exemple exprimée par deux surfaces de couleurs simultanées exprimaient l’équilibre de la balance.)

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À l’international, le travail de Ruedi Baur commence à être repéré. (On l’invite à créer par exemple une affiche sur le design. Pour la première fois sera thématisé le questionnement comme valeur central du design, un thème récurant que nous retrouverons en divers autres projets.) 

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En 1986, Serge Lemoine nouvellement nommé au musée de Grenoble commandite deux affiches et catalogues en demandant de proposer un système visuel. La collaboration avec Ange Leccia  ouvrira une série de collaboration avec des artistes. 

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Il ne s’agit pas non plus d’oublier l’importante collaboration avec Chantal Crest chargée des exposition d’été à la ville de Nimes en attendant l’ouverture du Carré d’Art. Dès 1984, furent confiés à Ruedi Baur et son équipe la communication graphique et le catalogue de l’importante exposition Paul Klee. En 1985, André Masson, puis en 1986, Francis Picabia. L’analyse comparée des trois catalogues montre une indéniable évolution dans la sensibilité typographique. 

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Débutera également en cette année 1986 la collaboration avec Françoise Calvez au Crac de Valence, celle-ci se poursuivra jusqu’à son départ à la retraite. (D’abord Denis Coueignoux puis Chantal Grossen seront fortement impliqués dans ce projet. La notion de système permettait à Ruedi Baur de commencer à déléguer la maquette de certains projets à partir du moment où le concept était validé et prototypé.) 

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Le journal-programme du Centre de Recherche et d’Action Culturelle se construisit tout d’abord sous la forme d’une affiche 50 X 70 cm divisé par deux dans le sens de la hauteur, puis avec une maquette similaire, de 40 X 60 cm. Toujours en noir et blanc il identifia durant de longues années cette institution culturelle vouée au cinéma souvent expérimental.

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Durant les années 90, le format diminua encore pour devenir une plaquette format A5 assez similaires à d’autres institutions culturelle. Le noir et blanc resta cependant la principale syntaxe du système de coordination visuelle. Le principe était repris pour les affiches.

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“N’importe quelle responsable de communication vous dirait aujourd’hui que ces visuels ne sont pas “vendeurs” et qu’ils n’attireront personne, le public pourtant était au rendez-vous et se déplaçait de loin. Parallèlement aux réductions budgétaires de la culture, cet esprit publicitaire qui s’est progressivement immiscé dans la culture lui a fortement porté tort au point comme disait Guy Debord de la transformer en spectacle ou  entertainement.” (Certaines institutions culturelles sont parvenues à résister. Elles sont rares. Peut être que la durabilité de leur système de reconnaissance en est un paramètre.)

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En ce sens, le logotype de la Bibliothèque Municipale de Lyon aura été le système le plus durable. Puisqu’il fut créé par Ruedi Baur et Chantal Grossen en 1985 et qu’il reste en usage 37 années plus tard.  

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La vie d’autres logotypes est bien plus courte. Il y fut pourtant porté la même attention. C’est le cas de celui de la Fondation Cassan utilisé sur deux affiches et trois catalogues, dont les couvertures étaient émantées, avant que la Fondation ne cesse  son activité. D’autres collaborations avec par exemple la Fondation Nationale de la Photographie avec Sonia Bove, le Musée de Valence, le Frac et la Drac Rhône-Alpes avec Anne Dary et surtout Christian Bernard devrait compléter cette exposé. Par manque de documentation ou parceque nous les retrouverons plus tard, elles ne seront évoquées plus longuement ici. Elles ont pourtant marquées ces premières années de la carrière de Ruedi Baur. Mais revenons à présent aux activités liées à Art Contemporain Lyon et à Octobre des arts. qui restèrent ces années là sa principale activité. Après le succès de la manifestation 1984, il fallait ne pas décevoir en 1985 malgré une nette réduction de budget. (Le parti pris consistera à présenter cette fois les catalogues à plat en une très grande boîte toilée noire.)

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Tout en conservant une syntaxe identique basée sur le noir et blanc et la typograpie qui laisse l’image et la couleur aux artistes, chaque octobre des arts se particularise par un langage graphique singulier. 

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Le catalogue Pierre Soulage devait d’ailleurs excéder en couleur noire tous ce que l’approche graphique du projet Art contemporain Lyon proposait déjà. Seul le dos gauffré dans la toile indiquait le nom de l’artiste, pour ceux qui ne l’auraient pas déjà reconnu.

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Un léporello pour une exposition d’Alan Fletcher dans le cadre d’Octobre des arts 1986  montre cette fascination de Ruedi Baur pour l’objet à déplier et manipuler: “Le graphisme ne relève pas uniquement de surfaces mais bien d’une interaction complexe avec des espaces de lecture”.  La nouvelle présence de l’ordinateur dans l’atelier et la fascination que la production digitale des supports graphique générait aurait pût mettre cet aspect dans l’ombre.

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Nous n’évoquerons pas plus largement Octobre des Arts 1986 qui se resuma principalement en un très gros catalogue au format de ceux présentant annuellement les aquisitions de la collection Art contemporain Lyon. En cette année 1986, une première demande importante provient du Centre Pompidou à travers Germain Viatte en cours de préparation de l’exposition Japon des Avant-gardes. Un voyage de repérage au Japon au coté de Keiichi Tahara s’ensuivit. La proposition graphique restait très minimale et le catalogue dans la radicalité des artistes présentés. 

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S’ouvrit, fort de ce projet, une seconde période où se succédèrent des programmes graphiques pour des expositions organisées par les institutions culturelles nationales. D’abord élaborées depuis Villeurbanne ces commandes finirent mêmes par nous forcer à nous installer à l’été 1988 à Paris. 

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Le catalogue de l’exposition François Morrelet organisé au Centre Pompidou par Bernard Blistène en 1986 ouvrit en quelque sorte la série. 

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Suivront également pour le Centre Pompidou, en 1987, le catalogue de l’exposition retrospective de Lucio Fontana... 

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Puis trois catalogues plus classiques pour le Musée Picasso travaillés avec la conservatrice Marie Laure Bernadac. Christian Bernard, venant d’être nommé directeur de la Villa Arson, Nices, demande à Ruedi Baur de développer, en 1986, une ligne graphique dont l’équipe de l’institution pourrait avoir l’usage facilement et de manière autonome. ( > Plusieurs textes relatent ce projet essentiel où Ruedi Baur aborde la question de l’identité visuelle en prenant en considération la coordination des apparitions graphiques plutôt que la répétition d’une même signature, la boite à outil plutôt que la charte graphique. Un extrait de la thèse de Ruedi Baur: Entre identité et identification. Les valeurs civiques des systèmes de représentation publics. 1-2-b. L’élaboration de “boîtes à outils”, à l’exemple de la Villa Arson Nice.)

Entre identité et identification. Les valeurs civiques des systèmes de représentation publics. 1-2-b. L’élaboration de “boîtes à outils”, à l’exemple de la Villa Arson Nice

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La commande du nouveau conservateur de ce centre d’art contemporain lié à une école d’art était extrêmement claire. À l’opposé de la situation lyonnaise, les réalisations graphiques faisant suite au concept graphique ne seraient pas réalisées par nos soins, nous avertit immédiatement Christian Bernard. Les questions de distance et de budget rendaient cette hypothèse impossible. Il nous fallait donc proposer une solution graphique dont la production pouvait s’élaborer en interne sur l’impulsion du conservateur. Cette contrainte intégrée, l’analyse des compétences graphiques en présence nous poussa vers une proposition extrêmement simple : un cadre d’où émergeait un typogramme, c’est-à-dire un logotype basé sur une typographie courante non transformée. Ce typogramme organisait la mise en page des supports en séparant les informations liées à l’institution de celles se rattachant à l’événement. En partant du principe que la typographie constituait un savoir-faire complexe, celle-ci se voyait simplifiée au maximum et définie selon des règles strictes et simples. 

Un système comme outil d’aide à la mise en page : 
Cette rigueur typographique, et c’est ainsi que le projet fut présenté à l’époque, devait permettre de se concentrer sur l’essentiel. C’est-à-dire sur le fait de cadrer l’image qui apparaîtrait en fond de support et qui serait entourée par le cadre dont on pourrait déterminer la couleur selon l’atmosphère du visuel retenu. Le concept graphique prenait donc plutôt la forme d’une sorte de boîte à outils permettant de réaliser simplement des mises en pages dont le résultat serait reconnaissable comme émanant de cette insti-tution. Un mode d’emploi extrêmement simple accompagné de la reproduction d’un certain nombre de réalisations réussies se trouvait à disposition de toute personne qui devait réaliser des documents pour la Villa Arson : secrétaires, maquettistes, artistes. Mais c’est surtout une sorte de passe- partout flexible qui permettait de prévisualiser un projet et qui fut utilisé pour choisir les motifs à partir de photos non digitales. Pour la maquette informatique encore à ses prémices, un programme très simple avait été conçu. En voici le texte d’accompagnement : “Une fois le format défini, représenter le cadre du document en bord perdu ; placer le typogramme sur la colonne de gauche dont les soulignements correspondent à l’épaisseur du cadre, intègrer la typographie selon les règles définies puis copier l’ensemble sur un acétate et l’utiliser pour cadrer l’image ou la couleur qui sera placée au fond du document. Reste à choisir la couleur du cadre et des traits de soulignement du typogramme en fonction de l’harmonie ou du contraste recherché”. L’objectif consistait donc à “transmettre un concept suffisamment simple pour faciliter son application et laisser malgré tout une grande part de liberté à l’utilisateur, afin que chaque nouvelle apparition puisse être différente.” 

Donner les instruments pour faire plutôt que d’interdire : 
Ce passage d’une “charte graphique” ou, comme on l’intitulait aussi, d’un “cahier des normes” vers le principe d’une “boîte à outils” me semblait essentiel. Je me souviens d’avoir présenter à l’époque le projet en expliquant que j’avais appris lors de ma formation à Zurich à développer des identités visuelles dont la charte graphique basée sur des interdits essayait de maîtriser la production visuelle jusqu’au moindre détail, mais que ces principes étaient absolument impraticables dans une institution publique d’un pays latin. Il fallait inventer une autre manière d’aborder la problématique puisque, chaque usager mettrait toute son énergie à détourner les directives inscrites dans ce document s’il se présentait comme une longue suite d’interdits. Il fallait donc aborder la problématique d’une manière moins autoritaire et permettre une appropriation du concept graphique par une participation à la fabrication des documents basée sur un mode d’emploi. 

Valoriser la créativité de celui qui met en page : 
La notion de “boîte à outils”, encore inconnue à l’époque, indiquait bien cette volonté de mettre à dis-position de l’institution des instruments qui devaient faciliter la fabrication des supports d’information tout en assurant leur reconnaissance et la cohésion visuelle de l’ensemble. Le statut dominant du “créateur” cherchant à maîtriser jusqu’au moindre détail les productions futures et remet-tant à des “exécutants” les instructions qui permettaient de reproduire selon des normes prédéfinies les docu-ments, se trouvait ainsi remis en question. Cette position autoritaire, éventuellement possible dans une entreprise, ne correspondait pas du tout à l’esprit méditerranéen, encore moins à celui d’une institution publique du domaine culturel. Il ne s’agissait plus de “décliner” ou de “réaliser”, mais bien de concevoir à l’aide des outils mis à disposition. Il fallait aussi s’extraire de cet esprit de “contrôle visuel” en essayant de valoriser la créativité de celui qui mettait en page et concevait l’objet singulier. La boîte à outils devait, comme un mode d’emploi, l’aider à bien faire. 

Un mode d’expression visuelle : 
Le “système d’identification” accompagné de cette “boîte à outils” s’exprimait dans ce projet par une forme encore précoce. Nous retrouverons cependant le principe dans de nombreux projets ultérieurs. Elle symbolisera cette intention de mettre à disposition de l’institution ou de la collectivité territoriale un mo-de d’expression qui serait identifiable quel que soit le type de message transmis. Même si le projet de la Villa Arson Nice restait encore très basique quant à la complexité des éléments de syntaxe mis en œuvre, l’esprit consistant à proposer un “langage” qui permettrait de s’exprimer visuellement tout en étant reconnaissable, était déjà présent. L’objectif était donc d’offrir à l’institution les moyens de se dire plutôt que d’empêcher de faire et de contrôler. Pour ce faire, nous mettions à disposition des outils à l’aide desquels seules certaines formes pouvaient se voir générées. 

Un programme informatique comme boîte à outils :
À plusieurs reprises, ultérieurement, cette notion de “boîte à outils” nous poussa à proposer de développer des programmes informatiques générant automatique-ment des formes identifiables. La taille limitée des projets concernés ne nous permit malheureusement jamais d’aboutir. Pourtant on sait bien que chaque programme informatique génère des formes ou des styles graphiques identifiables. Si les program-meurs essayent d’habitude de limiter ces particularités identifiables, il est au contraire possible de les accentuer en les adaptant aux besoins particuliers de l’expression. En ce sens, la “boîte à outils” de la Villa Arson permettait d’élaborer des supports d’informa-tion simples qui correspondaient au contexte parti-culier du message à transmettre. En l’occurrence des expositions et des installations qu’il s’agissait de représenter sur les supports graphiques. 

Reconnaître une langue quel que soit le message : 
La notion de “langage visuel identifiant” relève d’un certain pléonasme puisque la référence à la langue repose justement sur le constat de la reconnaissance de celle-ci qui que soit l’auteur du message, la forme et le contenu de celui-ci. “Le langage visuel” est donc un système qui permet de s’exprimer et qui reste reconnaissable, quel que soit le contenu du message transmis, et sans qu’il ne soit nécessaire de marquer chaque document par une signature. “Comme une langue, le système possède une syntaxe plus ou moins complexe et un vocabulaire plus ou moins riche, des règles, des exceptions, une structure narrative. L’ensemble est continuellement reconnaissable.” Bien que dans le cas de la Villa Arson Nice la syntaxe reste fort simple et quelque peu limitée, le prin-cipe de cette structure permettant de s’exprimer tout en étant reconnu, était donné. Dans cette inversion symbolique du paradigme de la construction d’un système d’identification réside, il me semble, la différence fondamentale entre les besoins relevant des domaines marchands et ceux qui définissent l’espace toujours en évolution de la culture. 

L’expression d’une succession d’expériences : 
À la recherche quasi paranoïaque de la maîtrise de la communication, on pouvait donc opposer un goût de l’expérience du côté de ces institutions publiques. Si l’entreprise commerciale veillera à l’unité visuelle, l’institution culturelle aura intérêt à réagir à la particularité de chaque événement et donc à placer son énergie à traduire de manière abstraite ou plus réaliste les intentions artistiques en un geste graphique qui renouvelle en permanence l’attention. 

La durabilité du système :
Après avoir remis cette proposition graphique, nous furent confiées les premières réalisations de l’exposition “tableau abstrait” . Elles servirent, en quelque sorte, d’initiation à une très longue série de cartons d’invitation, d’affiches, de catalogues, d’annonces et d’autres supports développés par les colla-borateurs de la Villa Arson. La simplicité du principe a contribué à sa pérennité qui, pour une fois, dépassa nettement celle de la présence du directeur de l’établissement. On le sait, dans le domaine de la culture, les directeurs d’établis-sement confondent, souvent, l’image de l’institution avec la leur. Ils ne supportent donc pas de devoir travailler avec un programme graphique qui a précédé leur venue. L’image de la Villa Arson a tenu plus de vingt ans et après avoir été détruite par une conservatrice à la fin des années 2000, il nous fut demandé de retravailler une version légèrement modifiée à l’arrivée de son successeur, Éric Mangion. Cette version reste encore en usage. Comme dans la précédente, le logotype n’a pas un rôle central. Au contraire il n’apparaît que dans son intégration à la grille de mise en page. (Depuis un nouveau style graphique a été développé en 2021).

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Même si le projet de la Villa Arson reste encore très maîtrisé, le potentiel du système de passe-partout qui le définit aurait pût comme pour les affiches dépasser la rigueur graphique. Il semble intéressant de relier cette expérience à l’évolution de l’approche graphique proposée en 1987 à Thierry Raspail. Le concept visuel d’Octobre des Arts de cette année, mais également celui de 1988, utilise l’approche systémique pour introduire une sorte de dépassement au minimalisme sans que chaque apparition n’en soit pour autant affectée.

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Dès le mois d’Août, des affiches de format 3X4 mètres avec “O-2” comme seul visuel annonçait la manifestation. En septembre le “0-1” permit à certains de comprendre. Puis vint le 0. Le contraste avec les affiches publicitaires faisait ressortir cet objet difficile à décoder. La Presse locale relaya et l’affiche devint un sujet. Des affichettes d’auteurs divers portant des 0 virent le jour dans Lyon montrant un niveau d’appropriation. Des annonces dans la presse spécialisée et différents autres supports de communication permirent de donner à l’ensemble une cohérence.

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En 1988, c’est le sujet même de cette dernière manifestation d’Octobre des Arts qui deviendra le thème de la campagne ludique d’information: Le monochrome ou la “Couleur seule” se trouvait en contradiction avec l’approche noire et blanc du graphisme. Il fallut trouver une solution: les mots colorèrent donc la ville en noir et blanc. 

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1987, Lars Müller publie son premier livre qui rassemble les expériences graphiques liées au projet : « Art contemporain Lyon », Éditions Lit, exempla No 1, Lars Müller, éditeur, Baden, Suisse, Novembre 1987.

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( > L’introduction de Lars Müller argumente le choix de l’éditeur: “Art Contemporain Lyon” )

Introduction de l’ouvrage “Art Contemporain Lyon” par Lars Müller

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Bien peu de programmes de communication visuelle disposent, outre leur valeur formelle et esthétique, d’un contenu conceptuel valant la peine qu’on s’y arrête et qu’on y réfléchisse. Plus rares encore sont les projets qui envisagent ouvertement le risque d’échouer en raison de la variété de l’univers théorique des possibles. La documentation sur l’identité visuelle d’“Art contemporain Lyon”, présentée dans cet ouvrage témoigne de l’ambition du créateur d’atteindre un niveau de communication visuelle adéquat au produit “art” et à la fonction médiatique réclamée par le commanditaire. 
Délibéré est ici l’abandon de tout concept de design, subtilement préparé à l’avance, pour être placé comme base à l’identité visuelle et qui tacherait de définir toutes les formes de réalisation, connues et escomptées, qu’on pourrait appliquer plus tard. Au lieu de cela, une expérience est tentée : sou-mettre le choix et la réalisation des moyens de communication à un processus ouvert de toutes parts, devant conduire, d’une façon qui n’est pas sans rappeler l’évolution dans l’art à de nouvel-les découvertes et de nouvelles solutions. La somme des imprimés produits pour “Art contemporain Lyon” révèle le libre désir de qualité du créateur qui ne se satisfait pas de la seule “beau-té” du produit réalisé mais qui est, au contraire à la recherche d’une attitude concevant la communication visuelle (de même que l’art) comme un processus interactif et peut, par conséquent, exiger du contemplateur qu’il se confronte activement au fond et à la forme. Conformément à cette exigence, le créateur tient compte, dans son répertoire, de l’origine et de la base socioculturelles de son public et renonce à l’internationalisme auquel aspire l’expression créatrice de nombreux instituts culturels. Ce n’est pas un “style” qui est recherché, mais l’authenticité, évaluée chaque fois selon sa propre exigence. 
L’insistance avec laquelle Ruedi Baur a jusqu’à présent soutenu et prouvé que le concept fonctionne et qu’il est efficace, est impressionnante. Cependant, à côté de l’obsession du créateur, la participation compréhensive du commanditaire, Thierry Raspail, et son aptitude à prendre des risques représentent la deuxième condition au succès de ce projet ambitieux. Une confiance réciproque et des visions, communes au créateur et au commanditaire, sont la garantie pour l’idée de conserver son ressort. Une telle constellation n’est pas le fruit du hasard. Mais elle est rare. Donc exemplaire.

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À chaque parution, Ruedi Baur invitait plusieurs graphistes à dialoguer visuellement avec lui sur ces objets de grand format (Pippo Lionni, Lars Müller, Poly Bertran, Chéri Samba...). À l’époque, Ruedi Baur restait donc surtout repéré pour ses réalisations graphiques pour des musées d’art moderne et contemporain. Pourtant en 1987, un certain nombre de demandes commencent à émerger dans le domaine de la signalétique et de la relation du graphisme à l’espace architectural. Ruedi Baur base son travail sur le savoir faire acquis auprès de Théo Ballmer tout en essayant de dépasser l’approche purement fonctionnelle que celui-ci revendiquait. Ces premières expériences permirent d’ouvrir son champ de conception vers la conception d’espace tout en reliant les questions liées à l’identification de lieux de celles relevant de l’information et de l’orientation.

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Ruedi Baur développe notamment une proposition graphique pour la  Maison du Livre, de l’Image et du Son de Villeurbanne. En collaboration avec l’architecte tessinois Mario Botta. En 1987, la signalétique et la charte graphique de l’équipement est confiée au designer Ruedi Baur. Le logo qu’il propose est une interprétation stylisée de la façade principale où les bandes alternées de pierres beiges et grises deviennent des rayures noir et blanc. À partir de 1989 s’ouvre dans la galerie d’exposition du rez-de-chaussée un « lieu du design », une sorte de continuation de la Galerie Projets qui ferme ses portes en 1988. La première exposition organisée par Blandine Bardonne, responsable de ce lieu est consacrée au travail de Ruedi Baur et de son équipe. Cette exposition monographique intitulée “Ruedi Baur, conception sur papier" présentera les réalisations graphiques de cette phase ayant précédée l’atelier Intégral. ( >  Il est intéressant de feuilleter le contenu du catalogue qui fut édité à l’occasion, comme de lire les textes de > Charles Hernu, Maire de Villeurbanne et de > Christine Colin.)

Contenu du catalogue qui fut édité à l’occasion, comme de lire les textes de > Charles Hernu, Maire de Villeurbanne et de > Christine Colin.

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Un même projet, la Maison du Livre, de l’Image et du Son de Villeurbanne, a réuni Mario Botta, architecte suisse, et Ruedi Baur, graphiste designer, concepteur de la communication visuelle de cet équipement. Ce lieu rend ici hommage à Ruedi Baur, par une exposition qui a la primeur de présenter la plupart de ses réalisations graphiques. Diplômé de l’Ecole de design et d’art de Zurich, fondateur de l’atelier BBV en France, Ruedi Baur se consacre, comme il le définit lui-même, à la conception de systèmes d’informations, d’orientation et d’identification.
Le travail de ce jeune designer révèle un rapport incontournable à l’histoire du design, et fait renaitre l’interdisciplinarité chère aux thèses du Bauhaus. Si dans les années 50-60, on a vu apparaître une certaine esthétique, banalisée la décenie suivante, parfois peut être au détriment du contenu, aujourd’hui une jeune génération de designers se préocuppe de dépasser les seuls éléments purement graphique pour se situer dans une problématique de société.
Ainsi, sur un plan international, une même conviction relie Lars Müller, Peter Saville, Pippo Lionni..., celle qui les amène à reconsidérer la fonction sociale et le contenu conceptuel du produit. A travers une analyse globale, l’objet est pensé dans son environnement et intègre les données d’une culture.
Dans cette optique, on comprendra pourquoi Ruedi Baur a élargi son champ d’intervention et aime à se définir comme “projettatore”; pourquoi également il souligne volontiers l’importance de la confrontation créative avec le commanditaire.
Soucieux du long terme lors de l’élaboration d’une identité visuelle, il n’en est pas moins convaincu de la nécessité d’une image évolutive. Et c’est une des raisons qui lui font adapter un vocabulaire où la sobriété conduit à l’essentiel. Au delà d’une conception appliquée, le produit fini contient - et c’est là que tout se joue - une part de poésie, et un effet possible de surprise. Ainsi un répertoire de signes classiques bascule-t-il dans la modernité, par la seule introduction subtile d’un élément déséquilibré.
Dans un souci d’élargissment de sa recherche, Ruedi Baur a créé la Galerie Projets, lieu d’une confrontation internationale avec des concepteurs dont la création, à l’égale de la sienne, est pleinement d’actualité.
C’est une chance pour Villeurbanne qu’une entreprise - l’atelier BBV et la Galerie Projets - ait pu, dans cette ville trouver son essor.

Charles Hernu
Maire de Villeurbanne, Député du Rhône, Ancien Ministre

“On s’intéresse toujours à la force du signe, mais il s’agit moins de créer de nouveaux signes que de jouer avec les signes existants, de les perturber afin de leur rendre leur force. Il s’agit moins de créer de nouveaux matériaux que d’utiliser toute l’histoire du design moderne.” Ruedi Baur

Les règles en mouvements ; l’opposition constructive
Ruedi Baur appartient à cette génération qui “revisite” les règles de l’Histoire, non pas pour en extraire des “citations” à la manière de l’historicisme américain, mais afin d’en réinterroger et d’en remettre à jour la nature et le sens.

“L’art n’était-il pas un alibi pour abandonner la réalité à ceux qui en étaient les maître(...). La culture devait faire face à la réalité. Otl Aicher (1)

Issu de l’école des Arts Apliqués de Zurich, dans le sillage de l’école fonctionnaliste d’Ulm, Ruedi Baur est formé à l’école de Richard Paul Lohse, Max Bill, Itten,... Au delà du “modèle” suissee sont, dit Ruedi Baur, El lissistky, Rodchenko ou Maïakowski travaillant sur des publicités de cigarettes, mais c’est aussi Herbert Bayer, Kurt Schwitters, Max Huber, Joseph Müller Brockmann, Anton Stankowsky... Tous artistes qui se sont interdit de “faire l’artiste” et qui — s’attachant à “la réalité réelle” — ont souvent contribué, comme Otl Aicher, à forger les aspects les plus radicaux du fonctionnalisme dit “pur et dur”.

“L’amour du prochain peut donner lieu à l’ordre des choses dans lequel le puissant souci de la productivité fonde la morale.” Hugo Ball (2)

Ruedi Baur hérite également de ce conflit qui oppose à l’école d’Ulm Max Bill ancien élève du Bauhaus et premier directeur d’Ulm à qui l’on doit le fameux aphorisme “toute forme est un fait de culture” et qui s’opposera à Ulm, avant d’en être expulsé, à l’idéologie montante selon laquelle l’esthétique est le pur produit de l’économie, du social, du processus productif.

“Les concepts sont communiqués par des mots conventionnels, par des lettres ils sont dessinés.”El Lissitsky

Ruedi Baur s’inscrit également dans ce sillon historique où les signes conventionnels de la typographie tantôt sont l’expression de la “réalité réelle”, taantôt dispute à l’image la puissance expressive des formes. On connait les poèmes à “typographie expressive” de Mallarmé ou Apollinaire. Au détour d’un logo, il est arrivé à Ruedi Baur d’organiser la rencontre d’uncrocodile typographique et de sa forme.
On sait que les artistes du XXe siècle, des futuristes, des dadaïstes jusqu’aux lettristes pour ne citer qu’eux, ont abondamment utilisé la typographie comme expressions priviligiées du concret, du quotidien, de la vitesse, de la modernité, de la machine, de l’ordre productif et de ses planifications (et devenant par conséquent l’espace priviligié où inoculer la puissance caustique et revitalisante du hasard, de la violence, du désordre).
Ruedi Baur hérite aussi de cette typographie à travers laquelle l’entreprise veut “parler vrai” et “communiquer par l’intelligence sans sous-estimer  son public” pur reprendre une expression de Michael Baviera, co-fondateur de l’atelier BBV à Zurich. Ici la communication graphique veut s’opposer “à la communication criée” de la publicité et en vient à rejoindre, plus ou moins consciemment, les standards esthétiques de la communication officielle et administrative : typographie noir sur fond blanc.
Ici s’ancrent les concepts d’”identité visuelle”, c’est à dire d’une communication voulant s’attacher au fond, et par extention de “corporate identity design”, c’est à dire d’un design de l’image de marque : ces techniques de communication s’étant mise essentiellement au service de la communication des entreprises et des institutions.

L’opposition constructive
De son enseignement, Ruedi Baur garde une vision éminamment positive : ce qui reste de l’école fonctionnaliste ; c’est précisement l’école, un système d’apprentissage, un corpus historique, des savoirs faire, des références, un  corps de règles nécessaires à l’apprentissage et dont on sait d’avance qu’elles seront, dans la pratique professionnelle, suivies ou contredites. Si l’esthétique du modèle Ulmien nous parait aujourd’hui irrémédiablement datée, ancrée qu’elle est dans le contexte de l’après guerre, de la reconstruction et de la dénazification, de la “philosophie de la vie productive” pour reprendre l’expression d’Hugo Ball, il reste une expérience pédagogique incontournable.
À l’égard de cet héritage Ruedi Baur adopte la position de “l’opposition constructive”, il va se garder de mettre en cause les fondements même de la fonction comme le feront certains. Il rejoint ici cette attitude qui caractérise le design italien selon l’éditeur Alessi: “transgression modérée mais continue”.

Le concept évolutif. De la clareté à la vitalité
Arrivé donc à ce point de l’histoire, Ruedi Baur se trouve au coeur de cette problématique qui sous-tend tout le graphisme du XXe siècle (3), à savoir que sont unies, dans la communication visuelle, les exigences paradoxales de la fonctionnalité, de la clareté et celles non moins fondamentale pour l’impacte du message, ou tout simplement pour l’efficacité et le confort de la lecture, de l’énergie, de la vitalité, du dynamisme. Un monde “tout fonctionnel” devient inefficace en perdant les dimensions fonctionnelles du goût.
Le projet réalisé pour “octobre des Arts” à Lyon, par exemple, est significatif de la nouvelle volonté de superposer les éléments répétitifs, “grille” et”logo”, à des éléments évolutifs. Il s’agit d’intégrer le fixe, le structurel et l’éphémère, le circonstanciel.
Ruedi Baur va pousser la logique de ce “concept évolutif” jusqu’à faire intervenir des éléments “hasardeux “ en invitant des plasticiens ou d’autres graphistes dans le cadre des “grilles” fixées par lui (Galerie de la mer, Marseille).

“Que chaque chose soit à sa place appropriée, les braises dans l’âtre et les idées dans leur domaine.” Duhamel

De la pureté à la pertinence. Où il est question de différence
Lorsqu’il étudie à l’école des Arts Appliqués de Zurich, les “ulmiens”, raconte Ruedi Baur, sont au sommet de leur art : “le concept d’identité visuelle de BMW atteint l’optimum de la dictature graphique qui permet à un trust mondial d’appliquer la même communication en Afrique du Sud ou a New York au mépris de toutes règles d’écriture des différents pays. Il fallait continue-t-il, trouver un compromis entre la société-mère et le garagiste local. Il s’agit désormais de fixer des règles de sensibilité, des règles qui peuvent être suivies ou contredites”. Il ne s’agit plus ici d’être pur, encore moins d’être le meilleur mais d’apporter la réponse juste au regard de la situation. Il s’agit d’être “approprié’. Le commanditaire garde une position privilégiée dans la démarche, mais on va se garder de le statufier, on ne va cesser de s’adapter à ses doutes, ses conflits, ses évolutions. L’image du musée Saint Pierre Art Contemporain de Lyon ne cesse d’évoluer entre les exigences d’une communication qui se veut internationale et ancrée localement, entre les exigences de la médiatisation et les nécessités fonctionnelles.

Pour de nouveaux mythes technologiques
Cette démarche est largement étayée par la conviction de disposer désormais d’outils techniques capables d’apporter des réponses “justes” au contextes, aux situations, aux usages, aux désirs, aux “problématiques particulières des minorités”.  Le nouvel imaginaire technologique ne se cristalise plus, rapelle Ruedi Baur, sur la série, il renoue avec l’individualisme”. Son marché est celui de la “tribue” pour reprendre un mot de Philippe Starck et non celui de la “masse”. Le maître mot n’en est plus la “rigueur” mais la “complexité”.
Si la génération de Ruedi Baur remet en cause les codes esthétiques de rigueur, de technicité, qui ont marqué les générations précédentes, c’est moins dans un mouvement de contestation de la technologie même dans la volonté de tirer  profit, ne serait-ce sur un plan métaphorique des nouveaux modes de pensées issus des nouvelles technologies et nouveaux matériaux.
On voit par exemple Ruedi Baur, traviller pour le Via sur des fonds couleurs et des matières “irrepérables” sur l’échelle Pantone, évoquant les “immatériaux”.
Le papier à lettre de l’architecte Felice Fanuele s’articule autour de deux pointillés : seuls éléments fixes d’identification autour desquels s’organise des informations “meuble” tant du point de vue du contenu que de la forme.
On peut encore, dit Ruedi Baur, créer des mythes mais pour des situations différentes. Il caresse comme beaucoup le rêve de traiter à nouveau de la différence sans réendosser les vieilles défroques de l’élitismes.

“Il mérite d’être appelé artiste celui qui fait son travail avec coeur”. Auguste, le clown du cirque Gruss

De la pluridisciplinarité créative à la globalité de la problématique
Ruedi Baur dit volontiers qu’il ne se reconnait pas de ”vocation de graphiste”. Il hésite en fait longtemps entre l’architecture et le graphisme et ses premières années d’exercice professionel sont consacré à la signalétique architecturale. il reste fidèle à l’esprit pluridisciplinaire qui anime l’école de Zurich, comme l’école d’Ulm. Aujourd’hui encore, c’est dans les contacts interprofessionnels et internationaux qu’il puise vitalité et dynamisme et notamment dans les contacts avec les architectes et les designers. Ce qu’exprime aujourd’hui cette volonté de pluridisciplinarité, c’est moins une revendication de compétence dans tous les champs d’activité que la volonté d’introduire une problématique globale à l’interieur de pratique spécialisée. il s’agit d’échapper ici à la tentation de considérer l’objet de fonction en soi, dans une sorte d’isolement dramatique qui n’est pas sans faire penser à celui de “l’art pour l’art”.
La tentation est grande on le sait, de faire de l’entreprise une société dans la société. On sait que s’opposent aujourd’hui deux conceptions antinomiques du design, l’une dite de design industriel où le rôle du designer est défini comme une interface entre les différents services de l’entreprise (commerciaux,marketing, technique, financiers, etc). Ici la production d’objet s’organise de manière quasi autarcique. L’autre conception du design, plus proche de l’expérience italienne se cristalise autour du terme “projet” et voit le designer choisir d’être une interface entre l’entreprise et la société tout entière. Le design devient ici lieu priviligié de la “négociation” pour reprendre le terme d’Enzo Mari, ou encore la perméabilité.
Le travail de Ruedi Baur est marqué par cette nécessité d’être tout à la fois du côté de l’entreprise, de la fonction, et de la société, composante incontournable de la réalité de la réalité dans laquelle se fonde la vitalité de la forme. Ici “l’art n’apparait pas comme un suplément d’âme, voire de libéralité s’opposant aux champs des contraintes fonctionnelles, mais au contraire est l’expression d’une approche globale, on ne peut plus exigeante.
“Il y a dans notre football un côté imprévisible, je dirai archaïque et ça l’entreprise ne peut pas l’accepter. Jean-Luc Lagardère P.D.G de Matra expliquant son retrait du Racing Club de france en avril 1989.

L’irritante imprévisibilité, l’intolérable jeu
Toute l’histoire du design du XXe siècle est balisée par l’irruption plus ou moins violente ou ironique, du désordre, du hasard, du jeu, de la spontanéité, du local, dans les lois “universelles” de la production. Loin de l’héroïsme guerrier du Futurisme, du “non-sens illogique” des dadaïstes, la transgression selon Ruedi Baur, se joue ici mezzovocce. A peine peut-on parler de “contradiction”, il est plutôt question d’”irritation”... “afin que l’il s’irrite et que l’esprit réagisse”.
Chahuter les rapports de proportion traditionnelle qui régissent titre et textes, photos et textes, perturber les notions établies, pages de garde, épaisseur de couverture, hiérarchie de lecture, faire irruption, avec des pliages, dans le cours “logique” d’un livre, dans son déroulement. Tenir compte des différents degrés de lecture, du feuilletage. Bouleverser  les formats, introduire la présence “irritante” d’un format “démesuré” dans la bibliothèque.
On est ici proche de la “perversion”, comprise dans le sens de dénaturation” introduite au coeur de l’esthétique consacrée du design international par les designers anglais <<<<lovergrove et Brown. Cette approche critique peut paraître particulièrement juste, “appropriée” à l’égard d’un système qui prétendant à “universel” n’est pas loin de se revendiquer pour la nature même.
“Pour répondre aux demandes de la communication visuelle, le designer a à sa disposition, une infinie variété et une multitude de moyens ; non pas ceux qui se conforment au moule du style, mais ceux plus intemporels des méthodes de la création et des outils qui permettent de rencontrer le goût”.  Herbert Bayer. 1959 (4)

Cristine Colin

1. formé à la sculpture, graphiste, fondateur de l’école d’Ulm, créateur d’images graphiques tel que Braun, Lufthansa, Erco, Auteur de la “Typographie” aux éditions Druckhaus Maack etc.
2. Fondateur du mouvement dada à Zurich.
3. CF. “Typographic Communication Today” par Edward M. Gottschall. Edition MIT press Cambridge, Massachusetts, London.
4. Graphiste, Professeur au Bauhaus.

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Si l’on considère 1989 comme la fin de la première époque, ce catalogue en fait d’une certaine manière le bilan sommaire.  Il est intéressant de constater l’importance de la dimension conceptuelle dans le propos. Il s’agissait d’établir des systèmes ouverts d’identification en essayant d’éviter la répétition d’un même logotype. Nous trouvons également dans ce catalogue un certain nombre de projets qui débutèrent en cette première phase et notamment l’important travail pour la Compagnie Bagouet. Lilianne Martinez, qui avait travaillé au TNP de Villeurbanne, était venue me rencontrer à la Galerie. Une collaboration étroite débuta avec Dominique Bagouet. Elle alla jusqu’à une mission de conseil en architecture pour le studio que finirent par réaliser Florence Lipsky et Pascal Rollet à sa mort.

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Pour la Compagnie Bagouet, la règle très simple mais systématique du format constituait le principal élément d’identification. Comme pour Art contemporain Lyon qui refuse la couleur de la publicité, le langage visuel de la Compagnie Bagouet se construit en creux par rapport aux systèmes graphiques habituels. Sans logotype, sans mise en valeur des titres, il repose sur une narration linéaire simple. Si la reconnaissance passait par le format et les partis pris typographiques, c’est une atmosphère générale modeste et un style d’image qui parvenaient à faire le lien. L’expression graphique parvenait à accompagner le chorégraphe dans sa création en essayant d’y faire écho, ceci tout en intervenant dans le cadre du langage visuel mis au point pour la Compagnie Bagouet. 

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Si pour les papiers à entêtes, toute les broschureS et même les photographies de presse un même format de 10,5 X 30cm était systématiquement respecté au point de faire des enveloppes spéciales, l’affiche échappait au système. Et dans ce cas la présence de la typographie se renforçait pour assurer la reconnaissance et travailler la série tout en cultivant la diversité. Dans ce même catlogue on trouve aussi la présence de Magicien de Terre, et projet élaboré en collaboration avec Peter Salville, pour cette exposition qui pour la première fois rassemblait en une même exposition l’art occidental et celui qui est produit dans bien d’autres cultures. 

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Le catalogue sous forme d’atlas, montrait l’artiste dans son contexte culturel. Les plans montrant les lieux de vie des artistes étaient construit pour que ceux-ci se re trouve toujours au centre de l’image. 1988, La Galerie Projets arrète définitivement son activité. Toujours sous le label BBV, Ruedi Baur installe son atelier en 1988, à Paris. Il travaille pour les grandes institutions culturelles parisiennes. Ruedi Baur débute une activité régulière d’enseignement, qu’il mènera dorénavant parrallèlement à son activité de designer. 1989, Ruedi Baur et Pippo Lionni décident de regrouper leurs deux ateliers pour créer ensemble à Montreuil l’atelier « Intégral Concept »